Voici un extrait, que je vous invite à savourer, de l'ouvrage très intéressant sur l'aspect scientifique du champagne, de l'auteur Hervé Thalis, « De la science aux fourneaux », Éditions Pour la Science/Belin (2007).
« Au laboratoire d’œnologie de Reims, Cédric Voisin, Gérard Liger-Belair et Philippe Jeandet ont montré que les croissances de bulles se font surtout, non par les fibres, mais dans celles-ci : les fibres textiles sont creuses, et le versement du champagne dans les flûtes, où ces fibres sont venues se coller aux parois, laisse des poches dans les fibres. L’analyse informatique des images produite par un tel système expérimental où la caméra est couplée à un microscope a révélé que le gaz diffuse probablement par les parois des fibres creuses.
Ces fibres doivent être considérées comme des ensembles de microfibrilles, où le gaz dissous dans le liquide diffuse. Il vient alors enrichir les bulles restées coincées dans les fibres, de sorte que les poches de gaz de l’intérieur des fibres (il y a généralement une poche par fibre) grossissent et finissent par « déborder » des fibres : une bulle se détache alors, laissant une poche de gaz dans la fibre, qui peut à nouveau grossir et engendrer une bulle. Tout cela en quelque cinq millisecondes !
Comment la bulle se détache-t-elle de la poche de gaz restée dans la fibre ? La théorie n’est pas aboutie, mais une hypothèse serait que joue l’effet Rayleigh (du nom du physicien anglais), selon lequel une interface telle que celle qui sépare le champagne du gaz se minimise. C’est, à l’envers, le même effet que celui qui dissocie une gaine régulière de rosée déposée sur un fil d’araignée, au petit matin en une succession de gouttelettes : la surface totale eau/air est inférieure quand les gouttelettes sont formées. Ici, la surface est réduite quand la bulle se forme.
Détachée, la bulle monte enfin vers la surface. Ne manquez pas de la contempler. La prochaine fois que vous aurez l’heur de déguster le breuvage attribué au moine Pierre Pérignon : vous verrez que le mouvement n’est pas vertical. En effet, le mouvement d’une bulle dans le liquide perturbe ce dernier, qui dévie la bulle suivante du train de bulles partant d’une fibre particulière. D’autre part, la paroi, aussi, modifie le mouvement ascendant des bulles, qui forment des trains inclinés. Les mystères, toutefois, ne sont pas moindres. Par exemple, le suivi des montées de bulles révèle que les molécules tensioactives qui sont à la surface des bulles (protéines, peptides…) sont poussées vers le bas des bulles, au cours de la montée de celles-ci. L’étude est difficile, car l’analyse de quelques molécules présentes à une interface défie les moyens d’analyse les plus modernes. Il y a un monde dans une coupe de champagne. »
jeudi 24 décembre 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Le nom de l'auteur, c'est Hervé THIS et non pas Thalis.....
RépondreSupprimer